Carrières-sous-Poissy : réseaux, nominations et pouvoir local, enquête sur le système Aït
Légende : un parcours qui s’appuie sur le PRG, ensuite, l’Union internationale des chemins de fer et puis l’INRAP, le maire de Carrières-sous-Poissy, ici sur la photo en 2014, a su tisser un réseau de pouvoir robuste et efficace pour se maintenir au pouvoir.
Promotions croisées, emplois publics, silences… et toujours les mêmes noms Il est des parcours qui interrogent. Et puis il y a ceux qui, à force d’accumuler les coïncidences, finissent par poser un problème démocratique. La rédaction a contacté, le 16 décembre 2025, le cabinet du maire Eddie Aït, mais il a fait savoir, par courriel, qu’il se réserve un droit de réponse…
À Carrières-sous-Poissy, commune de plus de 20 000 habitants, le parcours du maire Eddie Aït ne relève plus du simple débat partisan. Il pose une question autrement plus grave : Le pouvoir local est-il exercé dans l’intérêt général, ou confisqué par un entre-soi politico-administratif solidement organisé ?
Des réseaux politiques anciens et étroitement imbriqués
En 2010, Eddie Aït est élu conseiller régional d’Île-de-France sur la liste conduite par Jean-Paul Huchon. Sur cette même liste figure Daniel Guérin, autre cadre du Parti radical de gauche (PRG). À cette époque, Eddie Aït n’est pas un militant parmi d’autres : il est secrétaire général adjoint du PRG, un détail essentiel pour comprendre la suite.
La même année, Le Parisien (1), dans son édition du 23 février 2010, révèle une affaire lourde concernant Daniel Guérin : un cumul massif d’emplois publics, mêlant son poste de cadre à La Poste et plusieurs fonctions d’assistant parlementaire d’élus PRG. Ces révélations conduisent à son départ du groupe La Poste, un épisode documenté et partiellement reconnu par l’intéressé.
2016–2017 : un enchaînement de nominations qui interroge
En 2016, Annick Girardin, figure du PRG devenue ministre de la Fonction publique, nomme Eddie Aït conseiller spécial au sein de son cabinet.(2) La même année, elle installe la commission « Laïcité et Fonction publique », au sein de laquelle est nommée Catherine Guérin, alors très liée à Daniel Guérin, puisque les deux protagonistes ont été mariés de nombreuses années.(3) Dans ce même laps de temps, Daniel Guérin est nommé directeur général délégué de l’INRAP, établissement public national placé sous tutelle ministérielle.(4)
En juillet 2017, Eddie Aït rejoint à son tour l’INRAP comme délégué aux relations institutionnelles et au mécénat. Il se retrouve alors placé sous l’autorité hiérarchique directe de… Daniel Guérin. Pris individuellement, ces faits peuvent apparaître conformes au droit. Pris ensemble, ils interrogent sur la porosité entre engagements politiques, réseaux partisans et carrières au sein de la haute fonction publique.
Maire d’une commune de 20 000 habitants et cadre d’un établissement public
En juin 2020, Eddie Aït est élu maire de Carrières-sous-Poissy. Il conserve parallèlement son poste à l’INRAP, bénéficiant d’un temps partiel aménagé. Selon les éléments disponibles, ce passage à mi-temps s’accompagne d’une rémunération d’environ 2 500 € mensuels, contre environ 6 000 € lorsqu’il occupait le poste à temps plein. La question n’est pas seulement celle de la légalité, mais del’équité et de l’exemplarité :
combien d’agents publics bénéficient de tels aménagements pour exercer simultanément un mandat exécutif local aussi lourd ?
Et comment un poste initialement conçu pour un temps plein peut-il durablement être compatible avec la direction politique d’une commune de plus de 20 000 habitants ?
2021 : la nomination de la Directrice générale des services ravive les interrogations
En 2021, Eddie Aït recrute Catherine Guérin comme Directrice générale des services (DGS) de la commune de Carrières-sous-Poissy. Il s’agit là du poste administratif le plus élevé dans l’organigramme municipal : la DGS est la cheville ouvrière de la collectivité, responsable de l’ensemble des services, de la mise en œuvre des décisions du maire et de la gestion administrative et financière de la commune.
Si Daniel et Catherine Guérin sont aujourd’hui divorcés, ils ont longtemps évolué dans les mêmes cercles politiques et institutionnels, notamment au moment où se produisaient les nominations ministérielles et publiques précédemment évoquées. Là encore, aucune illégalité n’est formellement établie.
Mais pour beaucoup d’observateurs, cette nomination cristallise un sentiment d’entre-soi persistant, difficilement compatible avec les exigences de transparence et de neutralité attendues d’une collectivité locale.
Une question centrale à l’approche des municipales de 2026
À l’approche des municipales de 2026, ces éléments ne peuvent plus être balayés d’un revers de main. Ils posent une question politique centrale : Carrières-sous-Poissy est-elle gouvernée selon des règles claires et équitables, ou par des réseaux qui se reproduisent eux-mêmes ?
Il ne s’agit pas de condamner, mais d’éclairer. Et de rappeler qu’en démocratie locale, l’accumulation de coïncidences finit toujours par devenir un sujet politique. En 2026, les habitants auront à choisir.
Encore faut-il qu’ils disposent de toutes les informations pour le faire en connaissance de cause.
Texte achevé le 18 décembre 2025 à 18 h.
Mise à jour le 18 décembre 2025 à 22 h.
Contribution de : Rodrigo Acosta Garcia
Notes
1. Le candidat aux régionales cumulait les emplois, Le Parisien, 23 février 2010. Lien URL
2. Eddie Aït, nommé conseiller spécial de la ministre de la Fonction publique, par Thomas Richardson, Courrier des Yvelines, Actu.fr, 23 février 2016. Lien URL
3. Site Internet du Syndicat des Juridictions financières. Lien URL
4. Daniel Guérin est nommé directeur général délégué de l’Inrap, Site officiel de l’INRAP, Institut national de recherches archéologiques préventives, 26 septembre 2016. Lien URL


