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Expo à ne pas rater : Anatoly Osmolovsky expose à Paris sa vision toxique du pouvoir

Légende : Initialement prévue jusqu’au 31 octobre 2025, cette expostion est prolongée jusqu’au 29 novembre.

La Galerie Vallois (Paris 6e) présente Bonbons toxiques, première exposition personnelle en France d’Anatoly Osmolovsky, figure majeure de l’art russe contemporain — récemment contraint de fuir Moscou après avoir été fiché comme “agent étranger”.

Cinq séries d’œuvres (bronzes polis, bustes de révolutionnaires empalés, iconostases de pain sculpté) composent un récit visuel où beauté formelle et poison idéologique se confondent.
Une esthétique du pouvoir, de la guerre et du sacré, entre critique et fascination.

Artiste, écrivain et théoricien, Anatoly Osmolovsky (né en 1969 à Moscou) s’est imposé dès les années 1990 comme l’une des voix critiques de l’art russe. Présent à Aperto’93 (Biennale de Venise) et à Documenta 12 (2007), fondateur de l’institut d’art contemporain BAZA (2011-2024), il a été perquisitionné par le FSB à Moscou en mars 2024 et a fui la Russie. Son œuvre, à la fois plastique et politique, explore les fractures de nos sociétés contemporaines.

Intitulée Bonbons toxiques, l’exposition réunit cinq ensembles récents où l’artiste détourne la perfection formelle – bronze poli, surfaces miroitantes, rigueur géométrique – pour révéler les poisons idéologiques qui s’y dissimulent.

Des sculptures désarmées
Dans la série Produits (2016), Osmolovsky reproduit les tourelles de chars contemporains (Armata, PL-01, Arjun…) en bronze poli. D’une hauteur de 15 à 25 cm, ces miniatures transforment l’arsenal militaire en objets de collection, sublimées par l’éclat du métal. Elles séduisent par leur raffinement tout en questionnant notre rapport esthétisé à la violence et la fascination mortifère des images militaristes.

Des bustes historiques au sens équivoque
Avec C’est vous qui avez fait ça ? Non, c’est vous qui avez fait ça !, l’artiste aligne des bustes en bronze représentant Marx, Lénine, Trotski, Staline, Mao ou Che Guevara, sombres, noircis par les intempéries, leurs têtes fichées sur des pieux selon la méthode des exécutions publiques de l’Antiquité.

Cette question imaginaire du public et la réponse de l’auteur n’annulent pas l’ambivalence de l’interprétation de l’œuvre. En quoi consiste le crime ? Pour certains, cette exécution symbolique des dirigeants incarne la mort de la période révolutionnaire dans l’histoire et de son héritage spirituel. Pour d’autres, elle représente la liberté et la victoire sur les dictateurs. Iconoclasme libérateur ou deuil silencieux d’un héritage révolutionnaire ? Osmolovsky laisse planer l’ambiguïté.

Des signes du sacré aux idéologies actuelles
Nouvelle production pour l’exposition, Les Pains n° 20 (2025) compose une vaste « iconostase » de tranches de pain sculptées. Le motif populaire glisse vers une sacralisation politique : du religieux au national-conservateur, l’ornement devient outil idéologique.

Entre avant-garde et bureaucratie
Les séries Filigranes et Dossiers transforment la feuille blanche en champ de bataille latent : filigranes invisibles de chenilles de chars, chemises cartonnées qui s’ouvrent en tourelles. La guerre naît de la banalité administrative, révélant comment la violence s’immisce dans les gestes les plus quotidiens.

« Avec Osmolovsky, chaque objet est un piège visuel. Il attire par sa beauté, puis révèle une charge explosive. Cette tension entre séduction et toxicité en fait un témoin lucide de notre époque. »
— Andreï Erofeev, commissaire de l’exposition

Osmolovsky revendique une position de témoin, préférant enregistrer son époque plutôt que la commenter. Pour reprendre les mots d’André Breton, il s’est transformé en un « modeste appareil enregistreur » de son temps. Cette neutralité revendiquée donne à ses œuvres une ambivalence féconde : séduisantes et inquiétantes à la fois.

DE MOSCOU A PARIS : OSMOLOVSKY, TEMOIN CORROSIF DE NOTRE TEMPS

BONBONS TOXIQUES – Anatoly Osmolovsky
Galerie Vallois, 35 rue de Seine, Paris 6e
Commissariat : Andreï Erofeev
Première exposition personnelle d’Osmolovsky en France
5 séries d’œuvres récentes (2016-2025)
Commissariat d’exception : Andreï Erofeev
Contexte : un artiste inscrit comme « agent étranger » en Russie