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Hommage à Daniel Mégret, mémoire de Villennes (1955-2025)

Légende : Daniel Mégret, surnommé Columbo, très longtemps coiffeur et contributeur de la mémoire de Villennes. Photo J2R.

Daniel Mégret, notre coiffeur depuis 1973, est décédé alors que, depuis quelques semaines, il était revenu à Villennes, à la Résidence « La Rose des vents ».

Y a-t-il coiffé d’autres résidents comme, après avoir vendu son salon de la rue Georges Clémenceau, il avait continué sa mission capillaire auprès d’anciens clients ?

Ceux-ci comprenaient, en plus de nombreux Villennois, des habitants de villes des environs qui n’hésitaient pas à se déplacer pour passer un moment avec lui.

Après 45 années dans notre village, il avait définitivement fermé son salon de coiffure, « ne pouvant pas refuser » l’offre qui lui était faite pour installer une étude notariale dans le local de son salon et à l’étage. Auparavant s’y trouvait un magasin de vêtements qui avait remplacé une quincaillerie. Il s’y était installé quelques années après avoir ouvert un premier salon en 1973, à l’âge de 18 ans, dans la rue Parvery.

C’était, peut-être, le dernier salon, où l’on pouvait parler de tous les sujets et s’informer sur la vie locale. Bien avant l’heure, Daniel Mégret, que tout le monde nommait Columbo, était le centre d’un véritable réseau social, diffusant les infos qu’il recevait et, peut-être, parfois malgré lui un peu d’infox.

Son salon nous replongeait dans le passé des commerces Villennois. Son aménagement, sa décoration et son ambiance sont bien décrits ci-après. Daniel Mégret ne coupait pas les cheveux en quatre ! Le prix de la coupe était resté fixé à 10 euros depuis l’instauration de la monnaie européenne. Il n’avait, vraisemblablement, pas besoin de travailler pour gagner sa vie. Il le faisait pour rencontrer ses clients qui acceptaient de rester un long moment avec lui, avant de repartir, bien coiffés, avec les dernières informations sur la vie locale. Cependant, la maquette d’un navire trois-mats qui surplombait son salon traduisait-elle son rêve de voyages lointains ?
Texte de Michel Kholn

Archives du J2R
Columbo, coiffeur à Villennes-sur-Seine, mais pas seulement

Le Journal des deux rives (J2R) avait publié, dans l’édition n°139 (juin-juillet 2018) de son magazine imprimé, un article relatif à Daniel Mégret, alias Columbo.

Aujourd’hui, une façade, devant laquelle certains de nous passent régulièrement, attire mon attention « Coiffeur – Messieurs » : nous sommes au 336 avenue Georges Clemenceau à Villennes-sur-Seine.

Cette façade fait partie du décor depuis si longtemps que nous ne la voyons presque plus. Pourtant, elle recèle beaucoup de richesses et est personnifiée par Columbo.

Un des plus anciens commerçants de Villennes

La porte est entrouverte, comme une invitation. L’invitation m’avait, déjà, été faite par le rédacteur en chef du J2R, qui a l’habitude de se faire coiffer en cet endroit. Daniel Mégret, que les Villennois et ses autres clients nomment Columbo, habite à Orgeval où il est né, il y a de nombreuses années. De petite taille, il occupe, toutefois, de l’espace par sa personnalité authentique et sa bonne humeur. Coiffeur de profession, lorsqu’il est à l’ouvrage, il met de discrètes lunettes noires. Il porte un joli costume : une chemise, une veste et une cravate, avec un beau jean et de belles chaussures de ville. Coiffé correctement mais pas rasé de façon classique, Colombo a une belle présentation physique. Claudiquant d’une jambe, il laisse planer le mystère sur la raison de son boitement. Cela n’altère en rien sa façon de coiffer ses clients.

Il est attentif aux personnes qu’il accueille : il écoute avec réflexion et, même lorsqu’il n’est pas d’accord sur certains sujets, il reste conciliant. Il a, toutefois, du caractère : de façon naturellement authentique et calme, l’injustice sociale peut le révolter. Personnalité locale respectée, Columbo a ouvert son salon de coiffure vers 1973 : c’est l’un des plus anciens commerçants de l’avenue Georges Clemenceau à Villennes-sur-Seine. Il reste relativement évasif car il souhaite laisser planer un doute sur la date d’ouverture, de même, que sur son âge. « On ne demande pas l’âge !», dit-il sur le ton de l’humour.

Ce métier est une vocation pour lui. Le simple fait de pousser la porte de son salon de coiffure permet de s’apercevoir que cette passion ne date pas d’hier. Son lieu de travail demeure hors du temps : ce ne sont pas que les cheveux qui volent mais également les minutes. Le temps passe sur la montre mais il s’arrête ici et, ainsi, nous pouvons enfin le prendre au lieu de le subir.

Sur une étagère, des miniatures de Peugeot 403 trônent : la fameuse voiture de l’inspecteur Columbo, interprété par Peter Falk [… et une photo de l’acteur].

Lorsqu’une sonnerie retentit, c’est le combiné d’un téléphone à cadran orange que notre coiffeur décroche. De nombreux journaux, récents ou anciens, sont disponibles pour les clients qui attendent leur tour.

Véritable mémoire du village et des environs, Columbo peut raconter beaucoup d’anecdotes sur la vallée de la Seine. Se faire coiffer par lui pourrait presque n’être qu’un prétexte pour découvrir ce qu’il a à transmettre. Par exemple, il connaît bien l’histoire de Meulan. Il raconte, ainsi, que Brigitte Gros, maire de cette ville dans le passé, avait fondé un journal La liberté de la vallée de la Seine, dont les bureaux étaient à Poissy, et que son frère n’était autre que Jean-Jacques Servan-Schreiber, fondateur du journal L’Express.

Columbo aime aussi l’immobilier. Il explique qu’actuellement les choses changent. Moins de discussions sont possibles et, selon lui, les personnes se méfient davantage les unes des autres, surtout dans les grandes villes. Les prix des bâtiments augmentent aussi vite, les rendant alors rapidement inabordables. Parfois, certains profitent de l’immobilier de façon immorale pour s’enrichir. Cela le révolte et son discours s’enflamme alors. Durant l’entretien, nous abordons quelques autres sujets de façon brève comme la vie sentimentale : Columbo partage sa vie avec une femme depuis plusieurs années. Nous évoquons aussi les prochaines élections municipales et faisons quelques pronostics.

Une autre dimension du temps

De nombreuses personnes sont passées et passent encore chez Columbo : d’autres mémoires locales, des personnalités telles que Michel Delpech et Anelka, à une époque, ainsi que quelques hommes politiques et des médecins. Une coupe de cheveux chez Columbo coûte toujours environ 10 euros. « Une toute petite dernière question » comme dirait Peter Falk : « Pourquoi Columbo ? ». Il a ce surnom depuis des années, tout le monde le connaissant par ce sobriquet. A un moment, deux hommes de la communauté des Gens du voyage d’une autre ville sont venus le saluer en l’appelant Columbo ; ils ont expliqué qu’il les coiffait lorsqu’ils étaient enfants. Toutefois, notre coiffeur ne donne pas de raison à ce surnom. Faisons donc une hypothèse : à chaque fois qu’une question lui était posée, ce n’est pas toujours une réponse que nous obtenions, mais d’autres questions ! Plus nous croyons le connaître, plus nous percevons le joyeux mystère qui l’entoure. Parfois nous en arrivons même à nous interroger sur nous-même quand il se met à nous interroger.

Transporté dans une autre dimension du temps durant cet entretien, j’ai oublié de poser certaines questions comme celle sur la devanture de son salon « Coiffeur – Messieurs». Ne s’occupe-t-il donc que des hommes ? Je le lui demanderai, en premier lieu, la prochaine fois que nous nous croiserons, avant de me faire emporter avec plaisir hors du quotidien, qui annihile parfois toute possibilité de nouvelles découvertes.

Regardons ces façades des bâtiments autour de nous et entrons, parfois, par ces portes entrouvertes ; en les ouvrant, nous découvrons de véritables pans d’histoire et d’authentiques expériences enrichissantes. Ce sont des éléments à apprendre pour ne pas oublier des savoirs de nos contemporains, tout particulièrement des seniors. Nous ne devons pas oublier cette histoire qui est la nôtre ; derrière la modernité, se cachent parfois les germes des erreurs passées dont la connaissance nous permettra de ne pas les répéter. N’oublions pas de laisser notre porte entrouverte, également !