Chargement en cours

Relais Emmaüs : reprise de service mais la crise du secteur textile persiste

Légende : en 2014 le Relais Val de Seine fêtait ses 20 ans, 10 ans plus tard le secteur du textile a changé et met en péril ce modèle social et solidaire.

Depuis le 24 juillet, les bornes de collecte du Relais Emmaüs dans le nord des Yvelines sont à nouveau opérationnelles afin de collecter des vêtements usés et des autres produits à recycler (chaussures, sacs, etc.). Après avoir gagné le bras de fer contre l’organisme collecteur (Refashion), le Relais est toujours devant une crise du secteur textile à caractère structurel. L’avenir du réseau semble hypothéqué.

Un rappel s’impose avant de commencer : Pour mieux prendre en compte la grande diversité de ses formes d’intervention, Emmaüs France, est structurée depuis 2003 en trois branches : la branche communautaire, la branche action sociale et logement et la branche économie solidaire et insertion dont est fait parti le Relais. Le Relais Val de Seine a un statut apart : Relais Val de Seine est une coopérative du mouvement Emmaüs qui collecte, trie et revalorise des vêtements, notamment via ses 9 friperies solidaires. En 2024, elle a ouvert des boutiques solidaires à Paris (15e et 20e arrondissements), à Poissy, à Mantes-la-Jolie, à Epône, à Maurepas, à Plaisir et à Cergy… Ce sont des investissements pour l’avenir nous avait dit le porte-parole de cette coopérative : « Cette activité économique nous permet de poursuivre une mission sociale puisque 100 de nos 170 salarié(e)s sont en contrat d’insertion. Ils sont donc accompagné(e)s pendant 2 ans vers un retour durable à l’emploi.« 

Un modèle ébranlé, Emmaüs France

Ce dernier a des bornes partout en France et reste un outil efficace pour la réutilisation, le recyclage des produits du secteur textile et de la chaussure. L’action originale menée par cette branche d’insertion sociale et professionnelle est d’agir pour la création d’ un parcours d’insertion ou de façon durable des personnes en très grande difficulté, exclues jusqu’alors du monde du travail. En septembre 2014, on avait fêté en pompe à Chanteloup-les-Vignes, les vingt ans du Relais. Toutes les huiles de la République avaient rendu hommage au travail accompli par les fondateurs et bénévoles du Relais.



En dix jours, entre le 14 et 24 juillet 2025, on a constaté les bornes Relais Emmaüs saturées pour quasi devenir des dépotoirs de chaussures, textiles usés et jetés. Cette fermeture temporaire a été efficace pour faire le forcing contre l’organisme Refashion, qui gère le fonds financier de compensation payé par les producteurs/distributeurs. Alors que les pouvoirs-publics venaient de lancer la phase active de co-construction d’un nouveau cadre pour la filière textiles et chaussures, avec tous les acteurs concernés y compris Le Relais, l’arrêt de la collecte était un geste de blocage délibéré, efficace, mais qui a pénalisé les collectivités, les citoyens et les autres acteurs.

Refashion a répliqué par le biais d’un communiqué du 16 juillet :  » On nous accuse de mettre la filière en péril. Mais aujourd’hui c’est Le Relais qui est en train de tout arrêter. C’est Le Relais qui vide les bennes sur les parkings. C’est Le Relais qui rend impossible la collecte pour le citoyen. Ce sont des choix de blocage, qui ne servent ni les emplois, ni la transition ». déclare Maud Hardy, directrice générale de Refashion. »
En somme, la grève de collecte a permis le déblocage de 34 millions, qui vont être alloués aux entités telle Emmaüs France du fonds géré par Refashion. Cet organisme a cédé mais reste vigilant : « Mobilisé depuis le début de la crise (1er soutien exceptionnel de 6 M€ déjà débloqués en janvier 2025), l’éco-organisme souligne l’effort considérable demandé aux metteurs en marché pour faire face à la situation. Cette annonce allant jusqu’à faire évoluer le cadre règlementaire, Refashion attend des précisions d’application et restera vigilant sur les conditions de mise en œuvre.« 

Payer ou subventionner plus ?

Cependant, la crise subsiste : Depuis plus de vingt ans, la majorité des vêtements déposés par les Français dans les points de collecte sont exportés vers des pays d’Afrique de l’Ouest, selon un modèle hérité des années. Ce modèle atteint aujourd’hui ses limites – sociales, économiques, écologiques. Il n’est plus possible de le financer indéfiniment, sans poser les bases d’une transformation profonde. L’organisme Refashion continue à plaider pour une changement structurel de la filière : « Le Relais, acteur historique de l’économie sociale et solidaire, concentre à lui seul près de 70 % des volumes textiles et chaussures collectés par les structures de l’ESS…. Depuis des mois, il refuse d’engager la transformation pourtant indispensable de son modèle. Il choisit aujourd’hui d’orchestrer la pression médiatique, en annonçant suspendre
unilatéralement la collecte, au détriment des collectivités, des citoyens… et des autres acteurs
de la filière
. »
Du point de vue du Relais, c’était nécessaire de faire valoir « ses droits » afin de revaloriser le soutien à la filière car cet argent est collecté pour financer la collecte et le recyclage. Mais l’avenir reste incertain car la « fast fashion » bouleverse le marché de la mode et à la fin des textiles de mauvaise qualité sont jetés et sans possibilité de réutilisation, même en Afrique… Mais on ne résout pas une crise systémique à coup de bras de fer. On la résout en acceptant de changer un système qui ne marche plus. Payer plus cher pour faire durer un modèle fragile ? Ou faut-il accepter de subventionner un secteur « utile et nécessaire » au bon fonctionnement de la société ? Voilà deux questions illustrant la problématique de ce secteur en crise. Ce n’est pas à un acteur de décider seul du tempo de toute une filière. Un changement de modèle ne peut reposer sur les conditions d’un seul acteur, fût-il historique. La transition doit être collective, concertée et soutenable dans la durée.


Laisser un commentaire