Crépuscule démocratique dans deux villes du Canton
(Légende : la coupure d’électricité d’Enedis le soir du 2 juillet à Triel-sur-Seine a symboliquement noirci le tableau démocratique à Triel. Un jour avant, à Verneuil-sur-Seine, le bloc de minorités a claqué la porte. Photo RD)
Le 1e juillet 2025, Fabien Aufrechter, maire de Verneuil-sur-Seine a dénoncé le coup d’éclat des élus minoritaires qui avaient quitté le conseil municipal avant la fin de la séance; à Triel-sur-Seine, le lendemain, après deux heures du conseil municipal, Cédric Aoun, le maire de Triel a épuisé l’ordre du jour et le bloc des minorités sur deux délibérations en particulier : celui concernant l’impact du non vote du budget sur les frais de fonctionnement municipal et le couvre-feu mineurs de moins de 18 ans.
Dans deux villes du triangle Triel, Verneuil et Vernouillet, la vie démocratique n’est pas un fleuve tranquille. Deux réunions des conseils municipaux, qui ont eu lieu respectivement à Verneuil-sur-Seine, le 1er juillet et à Triel-sur-Seine, le 2 juillet, démontrent un certain déclin du fait démocratique. Il ne s’agit pas ici de faire le bilan de deux mandatures qui se caractérisent par la jeunesse et l’intrépidité, mais de pointer la faiblesse, voire l’absence, de débat entre la majorité et le(s) minorités en place avant l’échéance de 2026.
Absence notoire d’échange démocratique
D’abord, lors du conseil municipal du 1e juillet, Fabien Aufrechter a fait adopter une dizaine de délibération dont celles relatives au financement de la rénovation des Briques Rouges; il restait quatre délibérations et puis le bloc des minorités est parti de la salle laissant le maire sans quorum pour pouvoir faire adopter des délibérations concernant le personnel municipal : M. le maire de Verneuil a tout de suite dénoncé » un coup d’éclat théâtral en claquant la porte du conseil municipal. » En outre, le maire de Verneuil s’est interrogé sur son objectif : « Faire un coup de communication en prenant les agents en otage (ces dernières délibérations ne sont absolument pas politiques) ? Pointer du doigt les absences dans les rangs de la majorité (oui nous avions notamment un élu hospitalisé…) ?«
« Ce n’est pas un caprice, ni une mise en scène, répondit le groupe de Julien Fréjabue, un des premiers opposants du maire actuel. « C’est 𝒖𝒏 𝒂𝒄𝒕𝒆 𝒅𝒆 𝒑𝒓𝒐𝒕𝒆𝒔𝒕𝒂𝒕𝒊𝒐𝒏 𝒇𝒂𝒄𝒆 𝒂̀ 𝒖𝒏 𝒇𝒐𝒏𝒄𝒕𝒊𝒐𝒏𝒏𝒆𝒎𝒆𝒏𝒕 𝒒𝒖𝒊 𝒕𝒐𝒖𝒓𝒏𝒆 𝒍𝒆 𝒅𝒐𝒔 𝒂̀ 𝒍’𝒆𝒙𝒊𝒈𝒆𝒏𝒄𝒆 𝒅𝒆́𝒎𝒐𝒄𝒓𝒂𝒕𝒊𝒒𝒖𝒆. » Mme Fabienne Huard, élue minoritaire, a également souligné que le ton a monté car M. J-M Moreau n’a pas été autorisé à prendre la parole suite à une interrogation sur le projet du parc photovoltaïque sur l’aérodrome de Verneuil-sur-Seine. Absence notoire d’échange démocratique, voilà le constat à Verneuil-sur-Seine. Certes, la perte de quorum n’est pas du fait des minorités, mais de la responsabilité du maire.
Tensions palpables à Triel-sur-Seine
Un jour plus tard et dans la ville voisine de Triel-sur-Seine, la tension était plus palpable dès le début de la séance du conseil municipal. M. Cédric Aoun s’est montré irascible à chaque fois que l’on contestait son affirmation et/ou son analyse sur les travaux de parking près de la gare, sur l’accès à des places à mobilité réduite… Au sommet de cette dispute interminable entre le maire et les trois blocs d’opposants s’est trouvé l’impact du non vote du budget 2025 sur les dépenses de fonctionnement de la municipalité. Pour le maire, le non vote aurait forcément des baisses dans ce chapitre du budget. Mais Mme Bérengère Voilot a contesté cette affirmation en s’appuyant sur le code général des collectivités locales.(1) C’est plutôt limpide : A défaut d’adoption du budget primitif, le Préfet saisit la Chambre régionale des comptes qui formule alors des propositions pour régler le budget dans un délai d’un mois. Les pouvoirs budgétaires de l’assemblée délibérante portant sur toute délibération budgétaire sont alors suspendus jusqu’à la fin de la procédure. « Mais le Conseil municipal et le maire gardent la gestion courante de la commune en fonctionnement et, pour partie, en investissement, » a t-elle expliqué.
Un propiska de style soviétique
Sur une autre délibération controversée, le maire a soumis au vote la possibilité de recouvrir 300 euros pour frais afférents au transport des adolescents à leur maison lors du couvre-feu institué par l’arrêté municipal récent. Ce sujet n’a pas fait de tout l’unanimité; même la prise de parole du chef de la Police municipale n’a pas convaincu les trois blocs d’opposants. Le maire a tenté de rassurer mais il a compris que la bataille avait été perdue… Il a même admis que la délibération évoquée ce soir avait été « rédigée par la PM« . D’où la stupeur de certains élus et du public présent : Un citoyen a même affirmé « à la moindre arrestation de mon fils, j’attaque ! » sans préciser s’ il s’agit d’ester en justice ou non. Mme Voilot a encadré le débat juridique en soulignant qu’Il fait évoluer la sanction de l’infraction à un arrêté municipal de police concernant un couvre-feu par exemple. Le non-respect d’un tel arrêté est sanctionné d’une contravention de 4e classe, avec amende forfaitaire (et même plus dans certaines circonstances d’infraction d’habitude). Les agents de police municipale sont compétents pour assurer le respect de cet arrêté municipal et rédiger un procès-verbal« .(2)
Considérant que ce « problème sécuritaire » a pour origine une quinzaine de gamins venant non seulement de Triel, mais des autres villes voisines, on peut s’interroger sur la pertinence de la punition collective et l’effet pervers de donner une mauvaise image de marque de la ville. Le contraire de ce que recherche à faire depuis 2020 la municipalité actuelle. En tout cas, ce débat est loin d’être clos car le maire continue à préconiser, sur les réseaux sociaux, « un sort de passe-Covid« ; pour les tenants de la liberté de circulation, c’est plutôt un propiska de style soviétique.(3)
La séance du conseil municipal du 2 juillet, à Triel-sur-Seine, démontre que l’on est loin d’un échange démocratique sain; la démocratie locale semble épuisée par la volonté unilatérale du maire de faire et défaire le cadre juridique à sa manière. Dans le cas du conseil municipal de Verneuil-sur-Seine, un débat démocratique digne n’est plus de mise. Dans les deux cas, les deux villes quittent progressivement l’art et la manière de débattre pour le bien commun et entrent dans une sorte de crépuscule démocratique.
Notes
1. ARTICLE L.1612-1 DU CGCT, En matière de fonctionnement et de dette : L’ordonnateur reste en mesure d’engager, de liquider et de mandater les dépenses de fonctionnement dans la limite de celles inscrites au budget de l’exercice n-1. Il peut également mettre en recouvrement les recettes de fonctionnement. Il peut enfin mandater les dépenses afférentes au remboursement en capital des annuités de la dette qui arrivent à échéance avant le vote du budget. En matière d’investissement Pendant les premiers mois de l’année, si le Conseil accorde une avance de 25% des dépenses d’investissement de l’année précédente.
L’article L.1612-1 du CGCT dispose que « jusqu’à l’adoption du budget ou jusqu’au 15 avril, en l’absence d’adoption du budget avant cette date, l’exécutif de la collectivité territoriale peut, sur autorisation de l’organe délibérant, engager, liquider et mandater les dépenses d’investissement, dans la limite du quart des crédits ouverts au budget de l’exercice précédent, non compris les crédits afférents au remboursement de la dette ». Cette autorisation doit préciser le montant et l’affectation des crédits.
En matière de dépenses pluriannuelles, s’agissant des dépenses à caractère pluriannuel incluses dans une autorisation de programme ou d’engagement votée sur des exercices antérieurs, « l’exécutif peut les liquider et les mandater dans la limite des crédits de paiement prévus au titre de l’exercice par la délibération d’ouverture de l’autorisation de programme ou d’engagement ».
2. Décret n° 2022-185 du 15 février 2022 : « Art. R. 644-5-1.-Sont punis de l’amende prévue pour les contraventions de la 4e classe la violation des interdictions et le manquement aux obligations édictées par des décrets et arrêtés pris sur le fondement des pouvoirs de police générale des autorités compétentes qui, à la suite de troubles, réglementent la présence et la circulation des personnes en certains lieux et à certaines heures afin de prévenir la réitération d’atteintes graves à la sécurité publique. »
Ce décret a également créé des contraventions de 4e classe (750 € d’amende) relativement à la consommation d’alcool sur la voie publique, à l’usage de feux d’artifices, à l’ouverture sans motif légitime de bornes d’ incendie et à l’occupation du domaine public en infraction avec un arrêté municipal.
Il y a donc déjà un cadre prévu par la loi pour sanctionner les infractions. Les amendes sont perçues par le Trésor public et la Ville en bénéficie.
3. Les titulaires de la propiska (propissany) obligeaient tout citoyen à justifier son déplacement (voyage d’affaires, vacances, déménagement) et indiquer son lieu de résidence permanent ou temporaire à la police dans les trois jours. Source : Wikipédia.
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