Démocratie moribonde ou morte ?
Légende : Une poignée de citoyens ont débattu sur cette question lancinante.
A la Péniche de Triel, les cafés philo sont des moments d’échange entre individus qui cherchent à dépasser les clivages et tentent de rendre ce monde un peu plus lisible. Or, la démocratie (ou les démocraties) est un sujet d’actualité qui conduit à s’interroger sur le sens même de société dans laquelle on vit. Certains disent que la démocratie est moribonde, voire morte ! Le dernier café philo du 24 janvier 2025 a détonné.
Sur les démocraties modernes (à partir du 17e siècle), il est temps de partir d’un constat lucide : la démocratie est moribonde par plusieurs chocs fatals : la défiance, l’inégalité criante, l’immobilisme, l’individualité exacerbée, la trahison des élites, la globalisation et surtout la propagation, sur les réseaux sociaux, des « faits alternatifs »… sans oublier des institutions et/ou des principes poussiéreux qui ne sont plus adaptés aux enjeux actuels.
Les démocraties modernes (i.e. Etats-Unis, France…) ont perdu la force d’antan. Robert Kagan, professeur et politologue, démontre que la première puissance mondiale a cédé le terrain aux forces de l’antilibéralisme.(1) Selon sa thèse, des fondations démocratiques aux Etats-Unis sont contestées par des mouvements et tendances populistes qui veulent détruire la conception que « tous les hommes (et femmes) sont nés et créés égaux » par les lois évidentes de la Nature. En France, la démocratie issue de la Révolution de 1789 n’est plus valorisée comme avant; des réformes ont détricoté le système social et l’appareil économique du pays. Dans ces deux démocraties modernes, l’oligarchie domine et conduit les affaires du pays depuis des années 1980 qui ont, en parallèle, amené une politique d’offre et de libre concurrence dans un contexte de globalisation. Il en résulte une tyrannie de l’excellence et du mérite. Tous ces facteurs ont abouti à une mise en cause du contrat social et du consentement des gouvernés vis-à-vis des gouvernants.
Des principes sont bafoués qui favorisent les ploutocrates mondialisés qui ont manipulé les arcanes des finances mondiales. C’est aux GAFA de décider et aux Etats de se soumettre. En outre, populisme, déclinisme et nostalgie s’ajoutent à la crise structurelle des démocraties. Pour David Berliner, anthropologue, « notre culture populaire est aujourd’hui bombardée de références nostalgiques… il y a cette idée qu’avant la globalisation, le monde, les nations notamment, avaient une charme, un surplus d’âme.« (2)Ainsi, peu à peu, on constate l’émergence « d’une démocratie polarisée avec le moins d’espace public entre l’Etat et la sphère privée« .(3)
L’individu et son corollaire, la consommation de masse, peuvent être également considérés comme étant des facteurs de déclin des démocraties. Il s’intéresse de moins en moins aux élections, aux enjeux politiques ou sociaux. L’individu, comme celui dans la Grèce antique, veut être « idiot » autrement dit un citoyen inactif par sa propre volonté. En s’appuyant trop sur la notion de liberté individuelle, l’individu, devenu consommateur, a délaissé son rôle de citoyen pour devenir obsédé par « la consommation ostentatoire » où, selon les propos du romancier Abel Quentin, « [une] société inégalitaire consommait plus. Chaque classe sociale veut imiter celle de dessus, et notamment ses habitudes de consommation« .(4)
Finalement, les sociétés « démocratiques » ne sont que des fantômes du passé où la crise du fait démocratique est palpable. Il semblerait que des « moukijs volontaires » peuplent paradoxalement les société modernes. Pour couronner le tout, sur le plan capitalistique, les oligarques sont en train de créer les conditions d’une société post-capitaliste décrite par Yánis Varoufákis(5) comme étant techno-féodalisme. Les oligarques contrôlent tout le « capital cloud » et les « utilisateurs » sont devenus des nouveaux serfs. Si la tendance se perpétue, on pourrait dire que la démocratie est passée d’un état moribonde à sa disparition.
Notes
- « How Antiliberalisme is Tearing America Apart Again « , 2024, Edition Pinguin.
- Entretien Libération, le 28 novembre 2018
- Pierre Rosanvallon, historien, philosophe, auteur du « Siècle du populisme » 2020.
- « Cabane », 2024
- Les nouveaux serfs de l’économie,Yanis Varoufakis, Traduit de l’ANGLAIS par MORGANE ISERTE
Les liens qui libèrent 11 Septembre 2024, 352 pages
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