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Permis de construire inextricable

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Le permis de construire (PC), outil du quotidien de l’urbanisme, est un baromètre plurisectoriel : du secteur de la construction, de la mise en œuvre de la politique en faveur de la transition écologique et de l’évolution de la fiscalité. L’approche retenue par les juridictions financières dans cette enquête est celle de la qualité de service rendu aux demandeurs d’autorisations du droit des sols (pétitionnaires). Pour apprécier cette perception par l’usager, il convient de prendre en compte le contexte mouvant et stratifié du droit de l’urbanisme, dont le permis de construire constitue une émanation, mais aussi les modalités complexes de la mise en œuvre des politiques publiques locales en la matière. L’enquête a fait le choix de présenter cet univers où le droit en vigueur, en constante évolution, se concilie quelques fois difficilement avec les enjeux des politiques locales. Les maires accordent une grande importance à cette prérogative, leur permettant de garder un lien direct avec les pétitionnaires et la politique urbanistique de leur commune. À peine 0,3 % des communes ont accepté de déléguer leur compétence à une intercommunalité en matière de signature des autorisations de permis de construire. Le présent rapport décrypte l’environnement du permis de construire, qui peut être qualifié « d’inextricable » pour des pétitionnaires qui s’engagent dans un projet immobilier qui est parfois celui d’une vie.

Le permis de construire, la traduction locale d’un droit de l’urbanisme complexe, onéreux et opaque

En matière d’urbanisme, l’organisation de chaque territoire est similaire, mais les différences de moyens et de compétences qui y sont déployés sont importantes. L’élaboration des documents d’urbanisme, tels que le plan local d’urbanisme (PLU), est si complexe qu’elle fragilise leur sécurité juridique. L’urbanisme génère un important contentieux, représentant environ un tiers des ressources des tribunaux administratifs. Bien que les délais d’instruction en matière d’attribution d’un permis de construire soient généralement respectés, la demande fréquente de pièces complémentaires peut créer de la confusion chez les pétitionnaires. Du côté des professionnels, les démarches sont de plus en plus compliquées, avec des résultats aléatoires dépendant de volontés locales. La délivrance des autorisations d’urbanisme présente des biais que la présente enquête met en exergue. On retrouve l’apparition, notamment envers les promoteurs immobiliers, d’un urbanisme négocié ou contraint à travers les « chartes de l’urbanisme », ou, pour les pétitionnaires particuliers, des demandes de pièces complémentaires non obligatoires lors de l’instruction des dossiers. Concernant la mise en œuvre des documents d’urbanisme, le paradoxe principal se trouve être celui d’une inadéquation entre le temps long des procédures d’adoption ou d’évolution des documents d’urbanisme, et le temps court de l’action publique locale. De fait, le pétitionnaire se trouve pris en étau entre ces deux réalités. Sans remettre en cause le bien-fondé d’une politique locale d’urbanisme, l’enquête relève l’utilisation de vecteurs extra-légaux pour mener ces politiques qui rend la sécurité juridique de l’ensemble hasardeuse. L’application du droit des sols, plus que jamais indispensable à la maîtrise de la consommation d’espace et d’énergie comme à la prévention des risques de toute nature, apparaît victime de son développement sans approche globale. Alors que le nombre de permis de construire délivrés est au plus bas, et qu’une performance accrue apparaît nécessaire pour réguler la consommation d’espace, les constats de l’enquête des juridictions financières révèlent un véritable décalage. D’une part entre un droit de l’urbanisme complexe et instable, mettant en œuvre localement des procédures lourdes et onéreuses et, d’autre part, le constat d’une faible intelligibilité pour les pétitionnaires, issu de la multiplication, par les élus eux-mêmes, de stratégies de contournement et, au final, d’un respect parfois relatif de la norme applicable.

Simplifier et rendre plus transparent le parcours des demandeurs d’autorisations d’urbanisme

L’empilement de législations mêlant plusieurs codes (urbanisme, environnement, construction etc.) combiné avec l’obligation de mise en compatibilité des différents documents de planification urbaine, crée une complexité et une insécurité juridique permanente pour tous les acteurs de la chaîne d’instruction des décisions d’urbanisme (pétitionnaires individuels ou professionnels, élus locaux, services déconcentrés de l’État, etc.). Les évolutions constantes de l’état du droit et la longueur des procédures permettent aux requérants contestataires de disposer de stratégies multiples de recours, qui congestionnent les tribunaux et peuvent déboucher sur des décisions d’annulation des documents d’urbanisme de référence au niveau local.

L’élaboration et l’adoption des documents d’urbanisme constituent un poste important de dépenses à la charge des collectivités locales, voire des pétitionnaires. Pour l’élaboration d’un document d’urbanisme la dépense se chiffre en centaines de milliers d’euros. Les cas observés présentent des dépenses comprises entre 400 000 et 9 millions d’euros. Aucun état analytique de ces coûts n’est disponible dans les collectivités analysées. Le parcours d’instruction des autorisations d’urbanisme est perçu par le pétitionnaire comme un cheminement compliqué avec un nombre exigeant de pièces à fournir, dont il ne maîtrise souvent ni la technicité, ni les surcoûts afférents. De surcroît, les pratiques récentes des collectivités locales en matière de chartes d’urbanisme et de labels, contraignent le pétitionnaire à cheminer hors du champ strictement légal et à participer à un dialogue d’experts avec les élus pour lequel il n’est pas toujours en position équilibrée. Au sein des services de l’État, comme au sein des collectivités territoriales, la filière d’emplois gagnerait à être renforcée en matière de formation et de reconnaissance professionnelle pour attirer de nouveaux talents. Sur le fondement de l’ensemble de ces constats, qui portent sur l’efficacité et l’efficience d’un dispositif complexe, la Cour et les chambres régionales des comptes formulent sept recommandations classées en quatre catégories : clarification, amélioration, simplification, sécurisation.

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